Un rare bâton d’André Cadere bientôt aux enchères



Le 19 juin prochain, la maison Pescheteau-Badin mettra en vente un bâton de l’artiste roumain André Cadere (1934-1978) à l’Hôtel Drouot, avec le concours des experts Agnès Sevestre-Barbé et Amaury de Louvencourt. Très rare sur le marché, cette œuvre de grande taille, emblématique de l’art conceptuel, est estimée entre 100 000 et 150 000 €.



Sans titre, noir, jaune, blanc, rouge, B 13204000

Durant sa brève carrière, Cadere a créé 200 « barres de bois rond », des pièces composées de segments cylindriques peints dont la longueur est équivalente au diamètre de la barre. D'après les informations du site Artprice, moins de trente d’entre elles ont été proposées aux enchères. Celle-ci mesure 1,82 mètre, une dimension exceptionnelle et rare qui en renforce la valeur. Elle est composée de 52 segments en bois, de différentes couleurs : noirs, jaunes, blancs et rouges.





Des oeuvres entre art conceptuel et Op’Art

Les bâtons peints d’André Cadere répondent à un système mathématique précis : une barre de bois rond alternant des anneaux de différentes couleurs dont le rythme régulier est interrompu par une erreur volontairement placée par l’artiste. Dans le catalogue raisonné dédié à l’artiste, Bernard Marcelis précise les quatre variables qui rendent chaque barre unique : la couleur, la permutation, la dimension et l'erreur.
 
Cadere utilisait deux types de permutation dits « A » et « B ». La barre présentée à la vente est de type « B » et correspond à sa seconde variante, à quatre couleurs et cinquante-deux segments.
 




André Cadere, acteur majeur de l’avant-garde des années 70
 

“Lorsqu'il déambulait, muni de sa barre de bois rond multicolore, totem de l'art in situ, bâton de pèlerin, André Cadere nous apprenait que l'œuvre implique le cheminement, la progression, autrement dit : la démarche de l'artiste.”

Bertrand Delanoë, préface du catalogue raisonné.


Ce conditionnement de la création à un système logique témoigne d’une philosophie de l’art subversive et provocatrice. Comme Marcel Duchamp avant lui, il questionne les notions d’originalité et de « génie artistique », devenues l’alpha et l’oméga de l’œuvre d’art. Dépourvu de recto ou de verso, le bâton par exemple ne privilégie aucun sens de lecture, se distinguant ainsi des œuvres picturales traditionnelles.
Parce qu’elles répondent à des paramètres définis à l’avance (couleurs, dimensions et erreurs), il est mathématiquement possible de dresser une liste précise de toutes les combinaisons possibles : ainsi l'œuvre de Cadere est scientifiquement prédéterminée. L’artiste établissait un répertoire des œuvres produites dans lequel il consignait les pièces acquises pour en connaître la destination. Ce répertoire lui permettait aussi d'éviter de reproduire des pièces déjà existantes.





Par ailleurs, la signature de l'œuvre soulevait chez lui une question idéologique. De ce fait, ses œuvres n'étaient pas signées. Comme d'autres artistes de sa génération, notamment ceux associés à l'art conceptuel et minimaliste des années 1970, il opérait ainsi une stratégie de retrait et de distanciation vis-à-vis du marché. À la place, il remettait aux acheteurs des certificats d'authenticité pour ses barres, incluant des informations telles que le code numérique de la barre, le diamètre des segments et la localisation de l'erreur, qu'il conservait également dans ses archives personnelles. Au moment de son décès en 1978, il avait ainsi répertorié environ 200 œuvres. C’est l’un de ces certificats, daté du 23 octobre 1973, qui sera remis à l’acheteur.
 

“Ainsi, les bâtons peints d'André Cadere transcendent leur simple matérialité pour devenir des icônes de la liberté créative et de l'audace artistique.”

Agnès Sevestre-Barbe, expert.


André Cadere était une figure libre et non conventionnelle. Nombre de photographies d’époque le montrent accompagné de l'une de ses barres de bois rond, qu’il emmenait partout avec lui, jusque dans les vernissages d’exposition. Sur ces images, la sculpture s’apparente à un bâton de pèlerin estompant les frontières entre objet du quotidien et œuvre d'art.
 



André CADERE (1934 – 1978)
Sans titre, noir, jaune, blanc, rouge, B 13204000
Barre de bois ronds composés de cinquante-deux segments de 3,5 cm peints et assemblés
Longueur : 182 cm
Situation de l’erreur 21 x 22 /27 x 28
100 000 / 150 000 €

Experts : Agnès Sevestre-Barbé (01 42 89 50 20) et Amaury de Louvencourt (01 53 96 06 57)

Provenance :
- Don de l’artiste à (Collection) Emmanuel Parent, Marly-le-Roi

Bibliographie :
- André Cadere, Catalogue Raisonné, par Karola Grässlin, Fabrice Hergott, Alexander van Grevenstein & Bernard Marcelis, Buchhandlung Walther König éditeur, Cologne, 2008, décrit et reproduit page 121 sous le N°B7
Un certificat en date du 23 octobre 1973 sera remis à l’acquéreur (Le catalogue raisonné indique … La date qui apparaît au bas de la fiche ou du certificat n’est pas celle de la réalisation de l’œuvre, mais celle du jour où la barre quitte l’atelier… Tous les certificats sont établis à Paris et datés, mais non signés)



INFORMATIONS
Vente Mobilier et Objets d’art
19 Juin 2024
Hôtel Drouot
9, rue Drouot,75009 Paris
Experts : Agnès Sevestre-Barbé et et Amaury de Louvencourt